Deux ans et demi après la mise en place de l’encadrement des loyers dans les deux principales communes de la métropole lyonnaise, seulement six amendes ont été prononcées par les services de l’Etat en 2023, alors qu’un tiers des annonces sont hors la loi. Pour hausser le ton, élus et locataires commencent à se tourner vers les tribunaux et la répression des fraudes.Article du journal Médiacités / Mathieu PérisseC’est l’histoire d’un piège locatif comme il en existe tant dans l’agglomération lyonnaise. A l’été 2023, Romain* débarque à Lyon à la fin de ses études. Son premier emploi de commercial en poche, le jeune homme de 25 ans se met en quête d’un logement. En pleine canicule, les faux espoirs s’empilent. Des dizaines de prétendants s’arrachent en cinq minutes les annonces mises en ligne. Il finit par dégoter sur Le Bon coin un studio de 19 mètres carrés dans le 4e arrondissement de Lyon, loué en direct par sa propriétaire. Son dossier est retenu. « C’était un miracle, j’attaquais mon travail trois jours plus tard », se souvient Romain.
Mais dès les premiers jours, il constate que l’appartement est plus dégradé que ce qu’il pensait. De la moisissure apparaît par endroits, le ballon d’eau chaude fuit, les installations électriques sont folkloriques et le studio se révèle être une passoire thermique. Le tout pour un loyer de 555 euros. La mère de Romain, qui a eu vent de la réglementation sur l’encadrement des loyers, décide d’effectuer une simulation sur la plateforme Toodego, mise en ligne par la métropole de Lyon. Surprise : en théorie le petit logement ne devrait pas être loué plus de 397 euros, selon la loi en vigueur à Lyon et Villeurbanne depuis novembre 2021. « 160 euros par mois de différence, c’est énorme. C’est mon premier job, je ne roule pas sur l’or », s’offusque Romain.
Conciliation impossible
A l’automne, le jeune homme écrit à sa propriétaire pour l’alerter sur le niveau du loyer et l’état de l’appartement. La réponse est glaciale. « Elle m’a appelé pour me menacer de faire intervenir ses avocats. C’est tout de suite allé au conflit, cela m’a choqué », raconte Romain. Il prend contact avec la Confédération syndicale des familles (CSF), une association de consommateurs qui accompagne les locataires dans leurs démarches. Sur ses conseils, il saisit en octobre la Commission départementale de conciliation, un service de la préfecture chargé de régler ces différends à l’amiable. Peine perdue : la propriétaire de l’appartement ne vient pas aux rendez‐vous fixés.
En mars 2024, près de cinq mois après avoir entamé des démarches, Romain obtient enfin un avis de non‐conciliation. Grâce à ce document, il compte aujourd’hui attaquer son bailleur devant un tribunal judiciaire. Une procédure encore très rare dans la métropole de Lyon [lire plus bas]. En cas de victoire, Romain, qui a déménagé en mars dernier, espère pouvoir obtenir près de 2500 euros. La propriétaire ne lui a pas rendu sa caution de 1100 euros. Elle prétexte une dégradation des lieux. « Je crains qu’elle s’en sorte plutôt bien au final », conclut Romain.
Deux ans et demi après sa mise en œuvre à Lyon et Villeurbanne, l’encadrement des loyers reste encore théorique pour une bonne partie des locataires. Selon les derniers chiffres plus d’un tiers (36 %) proposaient un loyer supérieur au plafond légal. Le ratio n’a presque pas bougé depuis 2022.